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22 Jun

L'ART EST UN ANTI DESTIN

Publié par André  - Catégories :  #Belles lettres

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Titre emprunté à André MALRAUX dans Les voies du silence

 

Voici un conte tiré de la pièce de Jacques DEVAL intitulée : Ce soir à Samarcande

 

Il y avait une fois, dans Bagdad, un calife et son vizir [,,,]. Un jour,le vizir arriva devant le calife, pâle et tremblant : « Pardonne mon épouvante, Lumière des croyants, mais devant le palais une femme m'a heurté dans la foule. Je me suis retourné : et cette femme au teint pâle, aux cheveux sombres, à la gorge voilée par une écharpe rouge était la Mort. En me voyant, elle a fait un geste vers moi […]. Puisque la Mort me cherche ici, Seigneur, permets-moi de fuir me cacher loin d'ici, à Samarcande. En me hâtant, j'y serai avant ce soir. » Sur quoi, il s'éloigna au grand galop de son cheval et disparut dans un nuage de poussière vers Samarcande. Le calife sortit alors de son palais et lui aussi rencontra la Mort : « Pourquoi avoir effrayé mon vizir, qui est jeune, et bien portant ? » demanda-t-il. Et la Mort répondit : «  je n'ai pas voulu l'effrayer mais, en le voyant dans Bagdad, j'ai eu un geste de surprise, car je l'attends ce soir à Samarcande. »

 

Il serait légitime de penser que ce texte suggère l'inéluctabilité de la mort. Mais en fait il met en exergue le poids du destin. En sommes-nous prisonniers ? Notre existence est-elle écrite d'avance ?

Et pouvons-nous transformer le destin en histoire ?

 

Certains pensent qu'il y a une grille de lecture du monde qui préexiste et doit se réaliser. Cette vision doit se dérouler imperturbablement, indifférente aux sentiments humains. L'histoire serait donc un projet construit au préalable, si par malheur la réalité montre des évènements contraires ce serait alors une « crise de la raison » (Hegel), qui invente des chemins détournés pour mieux atteindre le projet escompté.

Mais le destin est un enfermement, un espace clos. Le déterminisme annihile toute subjectivité, et réduit le « je ».

 

Une rumeur a couru, et elle court encore : notre vizir lors de son périple pour rejoindre Samarcande, a rencontré le chemin d'une caravane qui se rendait à Tachkent. Il y croisa le regard sombre et ardent d'une jolie voyageuse qui l'entraîna vers la ville en question. Cette fois-là, la femme à l'écharpe rouge manqua le rendez-vous morbide, la mort dut s'incliner.

 

 

Avoir la capacité de s'ouvrir à l'évènement, à la vision que provoque celui-ci, avoir la capacité d'effectuer un écart, de se détourner du chemin tracé, pour ressentir la contradiction que l'écart et le détournement annoncent : c'est à dire la rencontre qui est ouverture à la nouveauté et à l'imprévisibilité, un homme capable de cela est forcément ouvert à son devenir et n'est plus la cible du destin.

Chacun peut ressentir par expérience que son existence repose sur des ruptures, des brisures, des accidents, tout n'est pas prévisible, le monde reste ouvert et énigmatique visible et invisible à l'infini des propositions.

Comme l'écrit E.Levinas « L'évènement ne se produit pas dans le monde, mais le monde s'ouvre à chaque fois à partir de l'évènement ».

L'évènement crée le temps, chaque évènement transforme notre être. Et pareil au « Cri » de Munch

il faut se lever et hurler : J'existe !

 

 

 

 

 

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À propos

littéraire et hédoniste