Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 Apr

ALEAS DUN VOYAGE EN TRAIN

Publié par Jeremy  - Catégories :  #On en parle

Texte tiré d'une histoire vraie

Drôle de tram à Brno

Drôle de tram à Brno

« Les voyages forment la jeunesse ». La mienne étant passé je ne voyageais plus beaucoup et surtout depuis un bout de temps. C'est alors que les circonstances ont fait que je retrouve une vieille amie et que nous devenons proche. Juillet 2015, les vacances pointent leur nez et je n'ai rien prévu mais je ne prévois jamais rien pour ces occasions car je vis chichement.

 

A parler avec mon amie elle me propose un périple touristique* démarrant en juillet à Brno, où elle avait à faire, et se poursuivant en Allemagne… L'idée est séduisante quand on est curieux. Brno est la « capitale » de la Moravie, province qui, avec celle de Bohême, font la République Tchèque. Exotique pour une personne comme moi qui s'est depuis bien longtemps entiché de l'Asie au point d'aller vivre au Viet-Nam. Je suis toutefois déjà allé à Prague pour y rencontrer un copain diplomate mais cela date de juste après la fin de l'aire soviétique, un bail.

Ce qui me convainc : des tarifs, particulièrement adaptés à ma modestie économique, dénichés sur internet, pour les différentes étapes d'un voyage qui doit nous emmener aussi une semaine à Berlin. Un voyage en amoureux qui plus est.

Toutefois, dès mon arrivée le climat continental se rappelle à moi avec des 35-40°C. Si les touristes ahanent dans la fournaise, je ne fais rien d'autre mais quand le vin est tiré le vin il faut le boire et les deux principales villes respirent un romanesque de circonstance.

 

Puis, vient le temps de quitter le pays Tchèque pour rejoindre la capitale allemande. Le train passe par Prague que nous avons visité quelques jours auparavant.

Les wagons du train que nous prenons à Brno ont des compartiments. Un couloir longeant le wagon s'ouvre sur ses compartiments où les gens s'asseyent face à face. Rien que de très normal bien qu'un peu rustique.

Quand nous trouvons quelqu'espace, des personnes sont déjà assis aux places près des fenêtres. Nous nous installons près d'eux. La climatisation du train est bienvenue car la chaleur a rendu la simple descente jusqu'à la gare, éprouvante. Un couple arrive après nous et s'installe aux places près de la porte coulissante mais on bavarde beaucoup sans faire très attention à nos voisins.

Prague, premier arrêt. La configuration du compartiment change. Reste une jeune fille noire coté fenêtre, une vieille dame, nous deux et ce sont deux jeunes femmes qui s'installent de part et d'autre de la porte coulissante en remplacement du couple. Le train repart et chacun s'installe. Une des deux femmes se laisse glisser sur la banquette jusqu'à mettre ses pieds sur l'autre, entre les jambes de sa copine.

Je ne sais pas si c'est un effet claustro-phobique mais je m'énerve quand, en plus de ses jambes barrant le chemin, la plus massive des deux femmes ferme la porte coulissante et tire le rideau du compartiment tandis que sa compagne fait de même avec le sien. Je m'interroge et je note, en face de moi, que la femme d'un certain âge sous son chapeau à voilette semble partager mon questionnement.

DR

DR

De plus, il se met à faire chaud bien qu'on ait mis la climatisation au maximum. C'est d'ailleurs pour cette raison que je me lève, demande le passage en poussant les jambes de la fille, ouvre fermement la porte coulissante et tire les rideaux comme si le jour venait de se lever, avant d'atteindre le couloir. Mon agacement alors est essentiellement du à la chaleur. En fait, je pensais ouvrir une fenêtre du couloir pour tenter d'aérer le compartiment mais les fenêtres restent bloquées en raison de la climatisation. Les gardiennes de la porte mettent ma brusquerie sur mon intention de bien faire et elles referment la porte derrière moi. Je l'ouvre autoritairement à nouveau. Leur attitude m'agace et je décide de les aborder frontalement.

 

Mon amie me trouve très remuant, je le sais, mais elle se contente de m'interroger du regard. Je suis un peu contrarier de ne pas avoir pu rafraîchir le compartiments. Le couloir devient à son tour de plus en plus étouffant.

Ces deux filles me déplaisent, par leur postures obstructives certes, mais aussi parce que je crois deviner chez elles des intentions cachées à notre égard. Une se caractérise par sa masse et l'épaisseur de ses traits, l'autre semble faussement plus avenante. Ce qui m'intrigue c'est que dans un train international, aucune des deux n'ait le moindre bagage.

Mon amie me rejoint ouvrant à son tour le barrage des jambes de la fille. Je suis un peu parano et je me mets à observer les gens du couloir qui ne semblent pas sentir que la chaleur monte rapidement. Mais un partie d'entre eux est constituée d'étudiants faisant le tour de l'Europe avec Inter rail, un forfait d'un mois donnant accès à tous les trains de la Communauté européenne. Je dis à ma compagne, non sans une certaine hésitation, que je vois les deux femmes en question comme des « voleuses » de train. J'hésite d'autant plus que la chaleur me fait mettre en doute mes supputations qui ne s'appuient en fait sur rien et que le regard de mon amie, en général particulièrement critique à mon égard, me renvoie une incompréhension totale de ce que je lui dis.

Elle est, comme la plupart des femmes, plus prosaïque que nous et celle-là, de plus, connait ma propension à « imaginer » la vie ce qui en général la met hors d'elle. Mais qui n'a pas ses petits soucis !

 

Après plus d'une heure où la fébrilité se déploie comme le mercure dans un thermomètre où, à rebours de ce qu'il faut faire, les passagers du wagon s'agitent, qui pour trouver un contrôleur, qui pour aller demander de l'eau à ceux auxquels il en reste, je commence à trouver cet épisode, sous le signe de la forte chaleur, quelque peu pénible à vivre. Soudain, mon regard vague se fixe, un peu plus loin dans la couloir, sur un homme émacié ne me quittant pas des yeux. Que je rentre dans le compartiment, que j'en sorte ou arpente les couloirs ou les commodités, comme l'oeil de Caïn, dès que je rejoins notre compartiment cet homme me dévisage avec un moue torve… Pourquoi regarde-t-on avec insistance quelqu'un ? On peut, dans mon cas, mettre de côté l'attrait que je pourrais représenter, encore qu'on ne regarde pas longtemps attentivement un personne sans y avoir un quelconque intérêt. J'en parle à mon amie qui, après l'avoir aussi constaté, confirme la situation tout en se demandant comment on allait pouvoir trouver de l'eau, la touffeur devenant de plus en plus insupportable.

 

Tout en restant dans le couloir, je suis amené à ouvrir encore deux fois une porte coulissante que les filles veulent visiblement voir fermée. A l'occasion je note qu'elles sont tatouées, ce qui se pour faire beaucoup en notre époque en recherche l'éternité, ne sont pas ceux qu'elles portent qui sont ceux que l'on se fait pour s'occuper dans une prison, pour marquer ainsi l'appartenance à un clan. J'en informe mon amie qui plisse le front. A la troisième ouverture c'est la dame qui sort du compartiment n'y laissant plus que la jeune fille noire absorbée par son téléphone mobile (miroir mon beau miroir). Elle aussi cherche de l'eau alors je la dirige vers les jeunes qui occupent la plateforme entre les deux wagons et où les personnels du train commence à apporter des packs de bouteilles plastiques qui disparaissent à vue d'oeil. On n'a plus un poil de sec et bien des passagers de ce wagon s'en échappent pour en guigner un plus frais ailleurs. Les compartiments se vident progressivement et je profite du mouvement pour transférer nos bagages dans celui d'à côté pour nous sortir de ce que je vois comme une ornière .

Il y a déjà plus de deux heures que nous sommes dans cet enfer quand un arrêt nous permet de constater que la chaleur n'est pas moindre dehors, seulement moins étouffante. La vieille dame distinguée descend à cet arrêt. Comme depuis l'arrivée des deux femmes, elle me glisse un regard entendu mais sans plus. Il est vrai que je ne parle ni Tchèque ni Allemand et surtout que dire d'objectif ?

 

 ALEAS DUN VOYAGE EN TRAIN

Le train repart et au bout d'une nouvelle heure de voyage nous constatons que le compartiment, puis le couloir même se rafraichissent à nouveau. Un arrêt encore avant la frontière allemande où notre petit monde inquiétant met les voiles.

Le train redémarre quand nous voyons deux uniformes allemands se précipiter dans le couloir jusqu'au compartiment que nous avons quitté pour rejoindre son voisin occupé par un grand échalas danois qui, venant de Budapest s'inquiétait d'arriver à temps à Berlin pour prendre son avion pour Copenhague. Lui, n'a rien vu du tout et ne s'inquiète de rien, si, peut-être la clim', et encore.

Je veux penser que les deux flics allemands sont venus directement à notre ancien compartiment sur les informations de l'élégante vieille dame.

Ce qui est sur, c'est qu'à l'arrêt suivant, Dresde, on nous demande, ainsi qu'à l'ensemble des voyageurs des douze ou quinze wagons du train de descendre. Le quai se noircit de centaines de passagers qui s'interrogent. Il nous semblait la panne de climatisation résolue et pourtant... Un autre train nous attend sur le quai d'en face qui nous a mené sans encombre à Berlin.

Autant dire que, quinze jours plus tard, nous avons dresser l'oreille en entendant les informations sur la tentative d'attentat dans le Thalys Amsterdam-Paris.

 

 

* Les circonstances ont été modifiées pour préserver la susceptibilité d'une des protagonistes.

 

   

Commenter cet article

À propos

littéraire et hédoniste