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27 Apr

LES TABLEAUX (PREMIERE PARTIE)

Publié par Gilles l'Hôte  - Catégories :  #aventures

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Note : Un ami écrivain, devant mon insistance à lui demander des textes pour le blog, m'a confié un de ses inédits afin que je le publie sous forme de feuilleton sur quelques mois. Je l'en remercie et vous laisse à sa lecture.

Les tableaux

 

 

Je ne vais pas dire que je m’inquiète mais je ne vais pas dire non plus que tout va bien.

Parce qu’il faut bien le dire : on dirait qu’Alessandro a disparu.

 

Il habite à proximité de chez moi, dans le 11ème arrondissement, vers la rue Oberkampf, et depuis trois semaines, personne ne l'a vu, de même que personne n'a pu en donner la moindre nouvelle.

 

    

 

 

 

Il vient de Bologne où son ami d'enfance Marco réside toujours, malheureusement Marco n'a pas non plus de nouvelles et il s'inquiète autant que nous.

 

Je décide d'y aller...

 

 

Marco m'a donné rendez-vous dans une trattoria installée sous les arcades d'une rue peu fréquentée.

 

- Tu vois Georges, je t'ai invité ici parce qu'on venait souvent avec lui et les autres, surtout dans les mois avant son départ pour Paris.

- Pourquoi ici?

- Luigi le patron de l'époque était l'oncle de Roberta qui était dans notre groupe, Alessandro est même sorti un certain temps avec elle.

- C'est un nouveau patron maintenant?

- Oui, un type de Rome, il a beaucoup augmenté les prix mais curieusement, il n'a rien changé au décor. C'est pour cela que nous sommes ici.

- Pour le décor?

- Oui, quand tu m'as averti de ton voyage ici, j'ai réfléchi au problème et j'ai parlé avec la famille d'Alessandro, avec ses amis puis Roberta et d'autres femmes avec lesquelles il avait eu des intimités. Le résultat c'est zéro. Rien de pertinent pour le retrouver, que des discours désolés. La seule et unique indication peut-être utile se trouve ici, mais elle est étrange.

- ....?

- C'est le tableau au dessus de ma tête.

Je lève les yeux pour découvrir un petit tableau représentant un mur si haut qu'il prend au moins les deux tiers de l'image, mais on voit quand-même un toit derrière, ainsi que le sommet d'arbres serrés, et une bande de ciel bleu par dessus.

- Mais pourquoi ce tableau?

- Justement, à chaque fois que nous mangions ici, Alessandro voulait être placé là où tu es, c'était devenu un sujet rituel de plaisanterie. Nous pensions tous qu'il le faisait exprès pour nous faire rire, tu sais la technique du comique de répétition, si bien que personne n'a jamais imaginé qu'il pouvait avoir un autre motif.

- Il en avait un?

- Oui. C'est moi qui l'ai mis dans le train pour Paris et dans la discussion sur le quai de la gare il a dit "Au moins je ne verrai plus ce foutu tableau de la trattoria Piazzetti quand je serai à Paris". J'ai commencé à rire mais quand je l'ai regardé j'ai vu que lui ne riait pas du tout, il y avait même de l'inquiétude dans ses yeux, mais il a immédiatement parlé d'autre chose.

- C'est Luigi qui a accroché le tableau?

- On peut le supposer, il est mort l'année dernière avec sa femme dans un accident de voiture et ni Roberta ni personne d'autre n'a su me renseigner sur sa provenance.

- Il a l'air plutôt récent.

- Oui, moins de cinquante ans, je dirais même qu'il a du être peint à la fin des années quarante parce que le bleu est typique de ces années-là, c'est un pigment de synthèse utilisé par l'US air force sur ses avions, il est résistant mais peu lumineux et difficile à mélanger si bien qu'il a rapidement été abandonné en art.

 

Nous faisons d'autres conjonctures sans pouvoir en tirer de conclusion éclairante et je décide de rester le lendemain pour profiter de notre nouvelle amitié et des beautés bolognaises.

 

Marco travaille pour le museo civico, lequel est fermé depuis trois ans pour cause de "restructuration" et il peut donc facilement obtenir sa journée pour m'accompagner visiter la ville et bon nombre de ses amis: une journée comme je les aime.

Alessandro est au centre de toutes les conversations et nous tombons tous d'accord pour déclarer ignorer les raisons de notre attachement à lui, car il faut bien reconnaître qu'il est (était?) égoïste et dépressif.

 

En rentrant, je me dis que s'il est vivant, il a du décider de s'évaporer sans prévenir, par sa propre volonté car on ne voit pas bien qui aurait intérêt à le prendre en otage vu qu'il n'y a rien à tirer ni de lui ni de sa famille qui est raisonnablement pauvre, en plus aucune demande de rançon n'a été déposée depuis trois mois.

Je me dis qu'il faut respecter son choix, bien que je trouve curieux que son absence me pèse.

 

DR & Noeud papillon

DR & Noeud papillon

SIX MOIS PLUS TARD.

 

Cécile a si bien insisté que nous voilà à Venise pour épanouir notre amour.

Elle a beaucoup insisté, mais il faut dire que sa façon de tourner la tête sur le côté avec un regard approprié me met définitivement dans un état que je n'avais jamais connu depuis l'aube de l'humanité.

Elle m'accompagne chez un coiffeur sarde qui m'étonne en me laissant ressortir de son échoppe sans m'avoir fait une tête de  repris de justice. Ensuite, trouver une cravate s'avère délicat, je constate que la tendance est à la serviette à motifs et je la rejoins, en fin de comptes, dans un trattoria du ghetto avec un noeud papillon qui me donne l'aspect d'un journaliste de la grande époque, en supposant qu'elle a existé..

Elle rit, bien qu'objectivement cela ne soit pas très drôle et nous entamons une soirée délicieuse.

Quand le patron nous apporte une spécialité d'artichauts cuisinée de telle sorte qu'on dirait des chips, je regarde autour de moi pour la première fois.

Et je sursaute violemment.

Le patron aussi, par réaction.

C'est à cause du tableau que je vois au dessus de son épaule.

Le tableau que je vois au dessus de son épaule est le même que celui de Bologne.

Et les artichauts sont par terre.

J'explique ma confusion au patron qui repart en cuisine commander d'autres artichauts, et à Cécile la coïncidence.

En lui racontant l'histoire, je fixe mieux la peinture pour étudier la différence qui m'a accroché l'oeil: devant le mur se trouve un petit garçon habillé en rouge.

J'obtiens du patron la permission de la photographier, mais il ne peut rien m'en dire vu que le tableau était là lorsqu'il a repris l'affaire à un type sur le point de prendre sa retraite.

Cécile digère l'histoire et demande:

- Tu vas reprendre sa recherche?

- Je ne pense pas.

Elle estime que j'ai tort:

- Après tout tu ne sais rien, peut-être qu'il a voulu vraiment disparaître, ça arrive, mais ce n'est qu'une hypothèse, il se pourrait aussi qu'il ait besoin de ton aide.

Elle m'énerve parce qu'il se trouve que je n'ai pas du tout abandonné l'idée de retrouver Alessandro.

Je regarde le petit garçon.

Mais le petit garçon ne ressemble pas à Alessandro.

Pas du tout.

Par contre, il a l'air inquiet.

La scène ne comporte rien qui puisse induire la moindre gaieté.

En plus on ne voit aucune signature comme c'était déjà la cas pour la toile de Bologne.

Le patron accepte de me donner les coordonnées de son prédécesseur en m'avertissant qu'elles datent de plusieurs années.

Je découvre ainsi que Mario Biagini semble avoir choisi Arona pour jouir de ses dernières années.

© Offmotorway.ordpress.com

© Offmotorway.ordpress.com

TROIS JOURS PLUS TARD.

 

Arona présente la double particularité d'être un centre ferroviaire de première importance ainsi qu'une petite ville au romantisme façon "Mittel Europa" à cause de l'architecture de certains bâtiments et de la proximité immédiate du lac de Garde. Mais on ne trouve aucune création artistique témoignant d'un romantisme ferroviaire local, bien que l'action d' "Amore e fatalità" de Giancarlo Percolato comporte le crime de Carla dans un train arrêté là, puis la noyade de sa fille dans le lac, mais le meurtrier, un français, ne manifeste pas d'intérêt pour le charme de l'endroit.

 

Mario Biagini habite une maison de style imprécis entourée d'un jardin mystérieux entretenu avec nonchalance.

Il justifie la discussion dans le jardin par le grand désordre de son intérieur où se meut une femme dont nous n'entendrons pas la voix. Sa vie n'est pas banale telle qu'il nous en évoque quelques étapes: il a débuté comme pâtre en Ombrie avant de rejoindre pour longtemps un groupe de théâtre expérimental dirigé par un polonais fort connu qui refusait d'accepter l'existence du soleil. C'est après la mort de ce dernier qu'il finit par devenir patron de la trattoria du ghetto de Venise car l'absence du maître avait eu pour effet d'amoindrir les crédits au point qu'il connut la faim.

 

Je lui raconte la disparition d'Alessandro et le problème des deux tableaux tout en l'observant: il marque un intérêt intense en même temps qu'une impatience grandissante et quand je termine mon récit, il s'empresse de dire:

- Il ne faut plus appeler cela l'affaire des deux tableaux mais l'affaire des trois tableaux.

Nous devons avoir l'air particulièrement étonné parce qu'il rit tout en enchaînant:

- Le tableau que vous avez vu, c'est moi qui l'ai acheté car j'en avais vu un semblable auparavant...

Son expression indique que nous devons avoir l'air encore plus ahuri, mais il semble plutôt content de l'effet produit par ses paroles.

- Après la mort de Smolowski, nous avons traversé une crise dépressive profonde, et je recherchais le moyen d'échapper à l'ambiance morbide qui s'était répandue sur notre groupe de théâtre. Pour cela je prenais, de temps en temps, ma Fiat 500 et je partais me promener. Un jour que j'avais poussé jusqu'en Calabre je vois un paysan faire de l'auto-stop avec un paquet sous le bras...

- Où allez-vous? lui demandè-je

- A Pontesinistro, me répondit-il, puis il ne dit plus un mot.

Je savais que les gens de Pontesinistro avaient la réputation de parler le moins possible, on disait même que les bavards étaient chassés voir supprimés dans certains cas, on disait aussi qu'un vieux avait terminé sa vie sans avoir prononcé plus de cent mots en 99 ans et que sa veuve en tirait une grande fierté car son ancien mari était, en quelque sorte, un recordman.

Il descendit sur la place du village, et ouvrit son paquet pour me montrer un tableau dont vous connaissez déjà deux copies, mais celui-là comportait un vélo abandonné devant le mur.

- Un vélo devant le mur?

- Oui, et le paysan m'a laissé dans un silence si complet que je me suis demandé si les oiseaux aussi devaient obéir à la loi en vigueur dans le village.

Plus tard, chez un antiquaire d'Orvieto, je vois la version avec le petit garçon et malgré mon manque d'argent, je ne peux m'empêcher de l'acheter sans même discuter le prix.

- Et pourquoi l'avez-vous laissé à Venise?

- Pour me libérer de sa présence obsédante, j'avais besoin de le regarder tous les jours mais quand je ne voyais pas, dans mon lit, par exemple, je redoutais de le revoir.

- Et vous savez pourquoi ?

- Non.

 

LES TABLEAUX (PREMIERE PARTIE)

QUELQUES MOIS PLUS TARD...

 

Cécile m'a quitté en invoquant des motifs dictés par une mauvaise foi parfaitement ridicule du genre "esprit dissimulateur" ou bien "ironie déplacée" et d'autres arguments du même genre.

Bref elle a eut raison de partir.

Il faut dire quand même qu'elle pratiquait le sentiment de façon prêtant à rire. Je n'ai pas tout perdu.

Mais existe-t-il des femmes qui font autrement?

Le problème est que je n'arrive pas à m'empêcher de mettre l'évènement en rapport avec la perte de mon emploi.

Je me souviens cependant que ses dernières phrases, avant que la porte ne claque (a-t-elle pensé que la serrure n'avait pas été consultée sur cette méthode relativement convenue de quitter quelqu'un?), contenaient les indices d'un possible revirement.

Cela signifiait qu'il fallait me traîner dans la boue au téléphone avec son oreille muette à l'autre bout.

J'aurai pu le faire, mais il me fallait aussi prendre en considération la possibilité vieillir avec elle, entouré de nos enfants, ou autre chose de moins facile à imaginer.

Finalement je pense préférer autre chose de moins facile à imaginer.

Me voici donc dans un appartement dont je ne pourrai plus payer le loyer avant longtemps, déserté par les seins de Cécile et décoré de deux photos de tableaux.

Mes amis n'hésitent pas à trouver des mots encourageants et des propositions d'aide.

Mais leur sollicitude m'accable plus qu'elle ne me soulage car en d'autres temps j'ai fait comme eux, à l'égard d'amis dans le soucis comme moi aujourd'hui.

Et j'en ai tiré un plaisir impossible à qualifier de sain.

Il n'y a pas de raison qu'ils soient différents de moi puisque je ne suis pas exceptionnel.

 

Howard Benskin, dans son ouvrage "Comment courir à sa propre perte" qualifie ce comportement d'"autocommisération morbide".

 

Un soir, après une nouvelle journée durant laquelle mes compétences professionnelles n'ont pas trouvé preneur, me voilà au "Soleil" en compagnie d'Henri et Fred.

Le "Soleil" est un café excessivement glauque, mais il présente l'avantage de pratiquer une tarification de type tiers-monde.

Ça n'est pas la première fois que nous parlons d'Alessandro, loin de là, vu qu'ils étaient avec lui la veille de sa disparition.

Ils sont même les derniers à l'avoir vu.

Ce soir nous tombons d'accord sur une idée de Fred: on va agrandir les photos et on va les accrocher en évidence ici même.

Le patron exerce la double profession de patron et de testeur de produits dont la nomenclature est soigneusement mise à jour au ministère de l'intérieur, et c'est peut-être pour cela qu'il accepte une clientèle d'originaux dont les systèmes nerveux fonctionnent de façon atypique.

Si bien que notre proposition ne provoque, chez lui, pas plus qu'une indifférence approbatrice. Mais a-t-il encore conscience de la réalité?

Nous faisons bien les choses puisque nous allons jusqu'à encadrer les reproductions.

 

Le temps passe de même que les illusions que je pouvais nourrir sur un nouveau boulot. Il me faut admettre l'acuité de l'interrogation du comique australien Julian Swan: "Devinez qui du capital et du peuple ne gagnera jamais?"

 

Un jour, me voilà au "Soleil" en compagnie de mes amis chômeurs. Il règne une tiède ambiance de solidarité entretenue par la rébellion à l'exclusion dont nous sommes victimes, mais il faut dire que notre bienveillance envers ceux qui ont le culot d'être encore intégrés faiblit.

Le patron me fait signe de le rejoindre au comptoir, j'en déduit qu'il ne se déplace pas pour les chômeurs.

- Georges, hier soir y'avait une bande de raviloli qui parlait fort à cause de tes tableaux.

Au fond, il faut reconnaître que si on n'a pas l'oeil, c'est pas possible de tenir un rade, et même si Benoît décolle cinq fois par jour, il n'a pas oublié d'avoir l'oeil.

- Et que disaient-ils ces italiens?

- Ils disaient qu'ils reconnaissaient l'endroit des tableaux.

- Et ils ont dit où c'était cet endroit?

- Je leur ai demandé, alors ils me l'ont dit.

- Tu me le dis?

Un minute, au moins, s'écoule pendant laquelle il déguste l'effet de son annonce et l'impatience que je ne peux cacher.

- T'as une ardoise qui s'allonge Georges...

Je sors le billet bleu prévu pour m'alimenter aujourd'hui.

Benoît le prend avec son air habituel de rêveur en orbite, mais en fait il calcule.

J'attends car, avec lui, c'est la meilleure chose à faire.

Puis il dit:

- Ils ont cité le nom d'un bled.

- Je t'écoute Benoît.

- Un truc du genre: Pontedera.

- Pontedera? C'est sûr?

Quand on lui pose une question inutile, il change d'orbite et vous laisse seul avec votre question et tout le loisir de constater sa parfaite inutilité.

 

Je sors pour trouver une librairie qui vend des cartes d'Italie et au moment même où je passe devant la boucherie Tardieu je m'exclame tout haut, malgré moi: - Mario Biagini!

Monsieur Tardieu me regarde avec surprise et déclare que ce n'est pas lui. Je lui répond que je le sais parce que ce n'est pas lui qui m'a parlé de Pontedera. Il réplique en me conseillant de prendre des vacances et je lui répond qu'il ne croit pas si bien dire. Madame Tardieu ne résiste pas à l'envie de s'approcher pour profiter d'un échange aussi intéressant et cela y met fin.

 

Pontedera, c'est là que Mario Biagini travaillait son théâtre expérimental avec son polonais. Autrement dit: une coïncidence vient de se produire dans cette histoire.

 

Je suis passé par "Auto-contact" pour le voyage, car ma condition m'interdit le train. Me voici donc dans une "Wild Grand Horizon", le dernier modèle 4x4 de Peunault, conduit par un type qui tient vraiment à ce que je l'appelle Marc, de sorte qu'il ne se prive pas de m'appeler Georges.

Je n'aime pas me faire appeler Georges sans autorisation.

A vrai dire, le choix le plus malheureux fait par mes parents s'appelle Georges.

En plus, il veut le tutoiement sous prétexte d'appartenir à la même génération que moi.

 

- Dis-moi Georges, j'espère que t'es pas gêné d'être dans ma Peunault, parce qu'apparemment tu n'as pas l'air de t'intéresser beaucoup aux bagnoles. J'en prends pour preuve que t'en as pas, sinon tu ne serais pas dans la mienne.

- Pas du tout Marc, c'est un bel objet. Je suis comme tout le monde, j'aime les beaux objets. Le seul problème vient de ce que selon la loi, il est assimilable à une extension de domicile.

- Je vois pas le problème.

- Si, le problème est que si j'éternue sur ton tableau de bord, ça te fera le même effet que si je m'oubliais sur la moquette de ton salon.

Et j'éternue.

Marc reste muet.

Dans le noir, il scrute son tableau de bord.

J'en profite pour m'assoupir, mais un quart d'heure plus tard, il doit estimer que c'est sec:

- Qu'est-ce que tu vas faire à Florence Georges?

- Je vais à proximité, dans un bled qui s'appelle Pontedera, pour trouver une maison au sujet de laquelle il y a un mystère.

- Ah bon?

Et je lui raconte l'histoire...

En même temps, j'essuie son tableau de bord avec mon mouchoir.

Pas de doute qu'à la fin de mon récit on s'aime.

Je goûte son sourire perplexe de même que ses questions.

Mais après un silence de trente kilomètres, il demande:

- Dis-moi Georges, est-ce que tu as des SICAV?

Je reste muet pendant un kilomètre puis:

- Je dirais que ce n'est pas une chance pour toi d'être tombé sur moi Marc.

- Pourquoi, avec les SICAV aussi y'a un problème?

- Oui.

- Georges, à la prochaine aire de stationnement, on se sépare.

- Ça me paraît préférable Marc.

- Tu me dois rien.

- Ça me paraît raisonnable.

 

L'aire du Cygne noir est aussi avenante que la gare de Longwy, mais cela tient sans doute à ce qu'il est trois heures du matin, à quoi on peut ajouter que les clients de passage n'ont pas une mine révélant un quelconque bonheur d'être là.

 

Monte Overacre, l'auteur de "Crépuscule sur l'autoroute" se justifie d'avoir fait mourir son héros sur une aire de stationnement, dans le but d'obtenir un effet déprimant, par l'argument suivant: "C'est un lieu à côté duquel une unité de soins palliatifs me donne envie de faire la fête".

 

Il n'y a que des routiers au bar.

Je commande un vichy et leur demande, un à un, si on peut me prendre, mais on me répond non parce qu'un règlement leur interdirait d'embarquer des passagers.

Je me mets à l'écart avec mon verre vide en me demandant si mon existence va s'arrêter là.

Je sens des regards sur moi et deviens leur sujet de conversation.

A mon avis, le problème serait résolu si j'étais une femme, malheureusement je n'ai rien sur moi pour en devenir une.

Le temps passe mais je refuse de consommer l'alcool contenu dans le flacon de nettoyant ménager caché sous le comptoir.

Et d'un seul coup, me voilà seul, à part la barmaid dont l'expression indique une intense recherche d'un moyen de me faire disparaître.

Plus je la regarde, plus l'évidence me viens que nous ne finirons pas nos jours ensembles.

Heureusement, la porte finit par s'ouvrir sur un type dont l'apparence nous rend perplexes parce qu'il ne ressemble à rien de connu dans nos régions. Cela s'approche du cow-boy mais je suis bien certain qu'aucun cow-boy doué d'un peu de lucidité n'aurait l'idée de s'habiller comme cela.

- Je m'appelle Ivar, me dit-il en anglais, les copains me disent que tu cherches un transport.

- Je vais vers Florence, tu peux me prendre?

- Oui, si tu me laisses te fouiller, par contre ce sera gratuit.

Il me fouille sous l'oeil de la barmaid qui a l'air de trouver ça dégouttant.

- Tu comprends, je conduis un camion bulgare, avec de la marchandise hollandaise à livrer à un turc de Rome.

- Je comprend, et tu es né où toi?

- En Estonie.

 

Au fond, j'ai bien fait de partir, ça fait rencontrer du monde.

 

Dans le camion, je lui raconte mon histoire après qu'il m'eut dit redouter la somnolence.

Il m'écoute sans m'interrompre jusqu'à la fin.

Sa réaction prend la forme d'un hurlement d'enthousiasme.

- Tu te rends compte Georges de la chance que tu as! TU TE RENDS COMPTE?!

- Je pense que oui.

- Une histoire pareille c'est merveilleux! Ça n'arrive qu'une fois dans une vie! Et encore, il faut avoir la chance que ça t'arrive!

- Oui, mais je suis au chômage tout de même.

- DÉTAIL sans importance Georges! Le roman devient RÉALITÉ, et toi tu est un héros de la réalité!

- Mais la réalité a toujours été un roman Ivar.

- Oui mais ici c'est particulièrement évident. Mais je pense à une chose: quand tu auras trouvé la maison, que vas-tu faire?

- Je ne l'ai pas encore trouvée. Je vis au jour le jour, surtout ces temps-ci. Il peut se passer plein de choses non prévues. D'ailleurs il se passe toujours des choses imprévues. C'est même fou de voir le nombre de choses prévues qui n'arrivent pas.

- Alors je pose la question autrement: si tu trouves la maison, que fais-tu?

- Comme ça je peux répondre: si je trouve la maison je sonne à la porte et je prends une décision en fonction du résultat de mon coup de sonnette.

- Georges, à force de garder ses couilles au chaud, on devient un boeuf.

- Pourquoi tu me dis ça Ivar.

- C'est un proverbe de mon pays.

- Dans le miens on dit: "En te laissant porter par le flot tu iras plus loin qu'en construisant un barrage".

- Bien répondu Georges, c'est dommage qu'on ne puisse faire équipe tous les deux.

- Je ne suis pas sûr que si tu venais avec moi sonner à cette porte, avec un bazooka, ce soit une idée pertinente.

- AH AH AH...mais Georges, il faut que tu pense à une chose: dans cette histoire il y a un type qui ne t'a pas tout dit, c'est une évidence.

- Mario Biagini.

- Exactement, il a seulement parlé des tableaux alors qu'il a vécu très longtemps à Pontedera où se trouve cette maison, donc ce n'est pas possible qu'il ne la connaisse pas et s'il a acheté le tableau avec le petit garçon c'est sûrement pour une autre raison que l'attirance mystérieuse qu'il prétend avoir eu.

- C'est ce que je me dis aussi.

- Il doit savoir où est Alessandro.

- C'est possible, mais il n'a pas voulu m'en dire plus que ce qu'il m'a dit.

- Il faut donc aller à Pontedera.

- Tu m'enlèves les mots de la bouche.

- C'est regrettable que nous ne fassions pas équipe mais j'ai un fret irlandais à remonter pour un commanditaire lorrain.

- Comment as-tu appris l'anglais Ivar?

- On ne peut pas dire que ce soit de l'anglais parce que c'est de l'américain policier de télévision. Les feuilletons russes ont peu de succès dans mon pays. Toi, c'est à l'école je suppose?

- Oui mais cela n'a jamais été la langue maternelle de ceux qui me l'ont appris. Je trouve qu'il ont fait preuve d'un certain courage.

Il est surprenant que nous nous comprenions.

- Nous avons un penseur en Estonie, qui a beaucoup médité dans la forêt et le livre qu'il en a tiré est enseigné aujourd'hui aux enfants.

- Comment s'appelle ce livre?

- "Méditations dans la forêt". Il dit dedans: "L'homme qui contemple son ignorance s'est déjà fiancé avec le mystère de ses origines".

 

Curieusement, le camion extra communautaire d'Ivar passe la douane italienne aussi facilement que l'anglais qui nous précède.

Notre couple atypique n'entame en rien l'indifférence des hommes en uniforme qui nous contrôlent. Mais il faut dire que leur attention est mobilisée par une télévision proche dans laquelle se joue un match de foot dont nous apprenons qu'une des équipe est Turin, c'est à dire notre prochaine étape. Ces hommes sont donc directement concernés et nous comprenons mieux la gravité de leurs expressions car ils vivent des instants au terme desquels leurs destins ne seront peut-être plus comme avant.

LES TABLEAUX (PREMIERE PARTIE)

PREMIER JOUR

 

Au petit matin je descend du camion d'Ivar sur une piazza della republica.

Nous sommes à Pontedera où mon nouvel ami a bien voulu se détourner pour m'éviter de prendre le train.

Son sourire de sympathie prouve sa capacité de s'exprimer aussi sans paroles.

Et au fond, je regrette que nous ne puissions faire équipe.

Il repart en usant de son avertisseur de façon si délibérée que ceux qui en sont réveillés ne peuvent qu'en conclure êtres les victimes d'un excité au volant d'un poids lourd décidé à ne pas les laisser dormir, alors que la petite place est plutôt calme d'habitude.

 

Pourquoi a-t-il joué l'air de "Bella borghese"?

 

Je m'éloigne pour éviter d'être affublé d'une réputation impropre à mes recherches.

 

Sur la carte où j'ai localisé Pontedera, on voit un point aussi gros que Pise dans le voisinage. Cela semble justifié car je suis loin d'être dans un village mais plutôt dans une petite agglomération à l'échelle de Pise.

Je connais Pise pour y avoir épanoui un autre amour, à l'époque où je pratiquais ce genre d'activité.

Mon terrain d'enquête présente donc une surface supérieure à un terrain de rugby, mais inférieure à la Slovénie, ce qui me rassérène.

 

Je débouche sur une piazza Santa Maria della Croce où se tiens un bar baptisé "Bar-bar-O" dans lequel je pénètre au son d'un jazz qui va bien avec la tête barbue du tenancier.

- Un cappucino s'il vous plaît.

- Vous voulez des "dolce" avec?

- Bien sûr, mettez-en deux.

Il m'apporte tout ça avec un naturel dépourvu de ces sous-entendus fréquents en France.

- Vous venez visiter Pontedera?

- D'une certaine manière oui, je prépare un livre sur Smolowski.

- Ah, Smolowski! C'était un génie ce type, depuis la fin de son "workcenter" il ne se passe plus rien ici.

- Vous connaissiez Mario Biagini.

- Mario! Évidemment, tout le monde le connaissait ici! Vous savez ce qu'il est devenu?

- Il est en retraite à Arona.

- Il s'est marié avec Annaluisa finalement?

- Non, il vit avec une chinoise.

- Ça alors! Il s'est mis avec Lim Su en fin de compte! Tout le monde se demandait, vous comprenez?

- Je comprend. Il m'a parlé d'une maison ici...

Je sors la photo du premier tableau et lui montre.

Mais à ce moment même, entre une femme spectaculairement belle par sa mise et son physique.

- Ciao Carla, tu va voir Dante?

- Ciao Gianpaolo, il doit venir ici, j'espère que Roberta le laissera sortir.

- Tu es mariée Carla, Roberta devrait savoir que Dante ne risque rien.

- Renato aussi, me faisait la gueule... tu as vu Libero?

- Non, il est toujours sur son chantier à Voghera.

- Avec Marta?

- Oui, mais son père les a rejoint.

- Je croyais qu'il devait emmener Silvio à Florence.

- Il y est allé avec Ricardo pendant qu'Isabella est partie en Lombardie.

- Ça lui fera du bien. Comment vont Sandra, Gianni et Rosalba?

- Bien, depuis hier. Tu te souviens de Mario Biagini?

- Le type qui travaillait au théâtre expérimental avec la polonais?

- Oui, tu te rappelles qu'il n'était pas marié quand il est parti d'ici?

- Il devait se marier avec Annaluisa Scarri non?

- Non, il s'est mis avec sa chinoise.

- Comment le sais-tu?

Gianpaolo me présente. Je profite de l'occasion pour me faire appeler Hervé. Carla m'envoie un sourire du genre qu'on oublie pas.

Je m'explique. Elle parait entièrement concentrée sur mes propos.

- Mario était un grand ami de mon père. Conclut-elle. Mais nous sommes interrompus par son téléphone mobile.

- Allô Dante? Je t'attends. Comment tu es malade? Hier tu allais très bien! Ta fille aussi est malade? Alors tu ne peux pas venir?.... bon et bien tu diras à Roberta que je ne peux pas me transformer en homme pour travailler avec toi, d'ailleurs si ça continue, on ne va plus travailler ensemble!... Je t'en prie Dante, tu deviens ridicule!... allez, ciao! Je vais toute seule au rendez-vous!

Gianpaolo rit pendant que Carla emplit le bar d'imprécations sur quoi elle s'en va.

Je lui remontre ma photo, mais il déclare ne rien savoir.

Sa réaction est un peu rapide me semble-t-il, en outre, autant sa curiosité sur Mario était vive autant le tableau ne déclenche rien de tel.

- Je cherche à me loger, Gianpaolo.

- Tu peux aller à la pension "Stella rossa", c'est ma tante qui s'en occupe, tu lui dit que tu viens de ma part.

- Je te remercie, je vais y aller. A tout hasard, une dernière question: le nom d'Alessandro Coceano ça te dit quelque chose?

- C'est pour ton livre?

- Oui.

- Rien du tout, me dit-il en me dévisageant avant de rallier son comptoir pour s'y affairer.

 

Pendant ce temps, la ville a commencé de s'activer. Je croise de nombreux italiens en chemisettes bleues aux plis de repassage impeccables, portant des attaché cases dans une main et des téléphones cellulaires dans l'autre.

Leurs homologues femelles sont toutes maquillées et habillées de façon si élaborée qu'elles pourraient aller à des cérémonies d'une grande solennité, mais elles vont simplement travailler ou bien affronter leurs responsabilités de mères. Les vieux n'y voient rien à redire vu que tout est en ordre.

 

En passant devant le dôme de Santa Maria Maggiore, je me dis qu'il doit bien contenir quelques merveilles comme c'est toujours le cas en Italie.

Et je ne suis pas déçu, il y a là deux Merlutti de la grande époque ainsi qu'une pietà de Fumarotti impossible à contempler sans émotion.

Mais c'est à chaque fois le même phénomène: tant de beauté me commande d'aller me confesser.

 

C'est le père Giacomo qui m'écoute dans le meuble prévu à cet effet.

Je lui dis avoir menti le matin même. Il demande des détails, ce qui m'oblige à inventer une histoire sans rapport avec la réalité, offrant cependant l'avantage de ne pas être compromettante. Mais il est avide de précisions au point que j'ai envie de partir, mais je détourne sa curiosité par l'aveu d'une consommation excessive d'alcool. Il veut savoir les marques de mes boissons et manifeste un intérêt particulier pour le Sancerre. Je suis puni de cinq prières dont je ne connais même pas les paroles. Je sors m'asseoir pour mimer ma pénitence de sorte que cela me donne le loisir de penser qu'au lieu de perdre mon temps ici, je ferais mieux de poser mon sac à la pension pour enfin commencer mes recherches.

 

Madame Bergotti est à la fois tante de Gianpaolo et détentrice d'un regard gris d'une intelligence inhabituelle. Mon ravissement d'avoir vu des chef-d'oeuvre la laisse froide car elle n'a jamais mis les pieds sous le dôme.

- N'oubliez pas que ma pension s'appelle "Stella rossa", me dit-elle, et cela me remet les idées en bon ordre pour apprécier la présence d'une communiste héréditaire qui méprise autant le PDS que Berlusconi et ses alliés néo-fascistes, avec un petit surplus pour le PDS quand même.

- Mon père a fait la résistance, précise-t-elle, il a même été conseiller municipal de Pontedera à la libération, mais on l'a écarté au bout d'un an parce qu'il n'y a que des affairistes par ici. Si les procureurs mettaient en prison tous ceux qui n'ont pas les mains propres, je peux vous dire que les curés et les commerçants n'auraient plus beaucoup de clients, d'ailleurs ils seraient aussi en prison.

 

Je prend possession d'une chambre munie d'une petite croix au dessus du lit, mais amicale du fait qu'aucune tentative de décoration n'a voulu induire chez le client la sensation d'être "comme à la maison".

 

Je redescend lui montrer la photo déjà présentée a son neveu, mais elle ne réagit pas et me conseille le syndicat d'initiative.

 

J'y trouve une employée déguisée en executive woman à qui le tableau ne fait pas plus d'effet que si je lui avais exhibé ma carte de sécurité sociale. Mais elle se lève pour consulter le directeur.

C'est un homme avancé en âge et fort soigné qui vient me voir.

Il veut vraiment me voir car il m'invite dans son bureau.

 

-Alors Monsieur, heu... monsieur...?

- Hervé.

- Monsieur Hervé, vous désirez voir cette maison?

- Oui.

- C'est bien la première fois qu'un touriste vient à Pontedera pour visiter cette maison.

- C'est en rapport avec le livre que j'écris. Et je lui déballe ma fable sur Smolowski.

- Mais cette maison n'a rien à voir avec monsieur Smolowski.

- C'est monsieur Biagini qui m'en a parlé.

- Ah! Monsieur Biagini, vous le connaissez donc?

- Oui.

- Comment va-t-il?

- Très bien, vous savez où se trouve cette maison?

- Oui.

L'homme n'est pas pressé de me renseigner, j'en rajoute donc un peu.

- Monsieur Biagini m'a dit que Smolowski était impressionné par le mur et la maison, et il voulait les copier pour en faire un décor de théâtre.

- C'est extraordinaire, voilà une histoire que je ne connaissait pas.

Il sourit puis me regarde en silence.

J'attend.

Et le téléphone sonne.

Les téléphones sonnent rarement à des moments opportuns.

Jean Massié, plus connu comme le "Poète de France Télécom" disait: "Je chante le téléphone mais il résonne toujours avant que j'ai fini".

Jean Massié n'est cependant pas réputé pour la cohérence de ses propos.

Mon hôte prend son temps et moi je prendrais bien la porte en dépit de la certitude qu'il détient l'information que je veux.

Il finit par raccrocher, pour aussitôt composer un numéro.

- Voulez-vous un café, me demande-t-il aimablement.

- Avec plaisir, me contiens-je avec un sourire de remerciement.

Il passe commande à sa secrétaire en attendant qu'on lui réponde.

Je ne sais pas qui est son interlocuteur, mais j'ai l'impression de ne pas être étranger à leur conversation.

L'absorption du café me rappelle à la patience.

Enfin, il repose son combiné.

- Pardonnez-moi, monsieur Hervé, je vous fais perdre votre temps, la maison est située dans le quartier résidentiel que traverse l'avenue Vittorio-Emanuelle II. Voici un plan sur lequel je vous marque l'emplacement.

- Je vous remercie.

- Et bonne visite!

 

Me voici dehors, devant le syndicat d'initiative avec, dans ma poche, la route balisée au bout de laquelle je vais trouver la maison qui m'obsède depuis plusieurs mois.

 

Sans pouvoir me l'expliquer, je ressens un étourdissement qui me cloue là.

Je reste donc sur place en attendant la suite.

 

Je ne sais pas combien de temps le clou m'a maintenu sur le trottoir, mais comme il fait encore jour je me dis que je peux y aller.

Et je me mets en route.

 

Certaines petites villes ont leurs rues dessinées de telle manière que cela les rend plus grandes.

C'est le cas de Pontedera.

Je suis dans le vincolo dei ladri, sinueux au point de désorienter. Pourtant la carte est formelle, il faut passer par là pour arriver au but.

Et brusquement me voici devant un mur d'une hauteur peu banale.

La petite rue se partage, à angle droit, vers la gauche et vers la droite, mais en face il y a ce mur.

Je prend le recul possible et ne vois rien derrière, il est trop haut.

Le plan indique que je suis arrivé.

Difficile de dire s'il ressemble au tableau.

 

Je décide de prendre à droite et je marche.

Le mur se répète sans la moindre ouverture, alors qu'à droite se déroulent les jardins de villas invisibles.

Je continue de marcher.

Je constate qu'aucun passant ne semble attiré ici, à l'heure qu'il est.

Quelle heure est-il d'abord?

Ma montre me répond que mon inspection dure déjà depuis vingt minutes.

Je poursuis ma route.

Quoi faire d'autre?

Le silence est épais car le bruit de mes pas n'est pas exactement celui qu'il devrait être.

Je marche en touchant le mur de temps en temps.

Cela devient si monotone que l'idée me vient de reprendre demain. Mais par où partir? Il faut en effet admettre qu'aucune issue ne s'est présentée depuis le début, à part le chemin que je suis.

Je poursuis donc jusqu'à ce qu'une cloche me fasse regarder ma montre de nouveau.

Une heure. Une heure que je tourne!

Le mur est toujours là, aussi aveugle.

A droite un arbre déborde par dessus une grille.

Je vais voir derrière et je retrouve le vincolo dei ladri.

Je ressens un soulagement compréhensible mais ne peux m'ôter le doute d'être déjà passé devant.

 

En regagnant la pension je trouve la signora Bergotti désireuse de faire la conversation. Ça tombe bien parce que moi aussi, après mon expédition.

Nous nous entendons tellement bien que le repas qu'elle me propose, sans supplément, me convient au mieux et nous le prenons ensembles.

 

En montant à ma chambre, une idée prend forme alors qu'elle attendait depuis un bon moment: il est sûr que j'ai vu un mur, cela m'a même pris une heure, par contre pas de maison, en plus je n'ai pas vu d'orifice du genre porte pour passer de l'autre côté. De ce fait, une question s'impose: est-il possible de concevoir une enceinte sans ouverture pour y entrer?

La réponse est oui, mais les motifs restent obscurs.

 

Un détail me maintient éveillé un bon moment: le chemin qui longe le mur ne figure pas sur le plan, seule l'extrémité du vincolo dei ladri est dessinée... après ne figure qu'une zone sans indications.

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littéraire et hédoniste